Coupure. 5’ de récupération.
Puis respirer, et encore respirer.
L’usage de la respiration ventrale, d’un porté lent et continu du souffle, se travaille en silence, allongé ou assis, chez soi. Dans l’heure qui précède une lecture, la tête est vide, le trac remplit tout.
Il n’y a plus que la respiration pour garder contact avec le temps alors on la ralentit doucement. Il y a des exercices aussi, narines alternées, respiration sanglot, tenue d’une légère apnée en fin d’inspir ou d’expir qui oxygène à fond le cerveau. Dans le texte, anticiper les lieux précis de reprise du souffle, qui ne sont pas forcément ceux de la syntaxe ; perturbant le moment où tu passes à la respiration continue. Le souffle d’avant la lecture est ultra lent, et puis soudain on lâche.
Le monde est alors celui du livre.
Le monde est dans le livre.
Le monde est le livre.
Je suis dans la lecture. Après avoir passé l’installation, les réglages nécessaires, l’ajustement des yeux aux caractères d’imprimerie, l’assouplissement de la page, la tenue du volume ouvert sur la tranche, rien ne me rappelle plus à l’autre monde. Je n’y suis pour personne. Nous descendons dans les profondeurs du livre, montons dans un ciel de langue. Je confie à la voix de me représenter tout entier. Les mots écrits et lus me tiennent lieu de parfaite existence.
Je fais vivre des personnages, des pensées, des sentiments de papier, j’avance dans un récit, une forêt dans laquelle je taille ma route à coups d’accents, d’inflexions, de vitesses, de ralentissements, de changements de registre, et de variations sonores.
Lisant à voix haute, d’autres voix se font entendre, dans la mienne.
D’après Denis Podalydès – Voix off